Comment l'effondrement de Yellow ajoute de l'incertitude à l'avenir du transport en Amérique du Nord
Après que le géant américain du camionnage Yellow a annoncé sa fermeture au début du mois dernier, de nombreux travailleurs se sont retrouvés dans l'incertitude, avec environ 30 000 emplois perdus selon le syndicat Teamsters du transporteur. De notre côté de la frontière, les dégâts semblent moindres mais restent considérables : plus de 100 chauffeurs YRC Freight Canada ont reçu l'ordre de ne pas se présenter au travail le matin même.
Bien que la faillite d'une entreprise basée aux États-Unis pourrait ne pas ébranler les Canadiens, l'impact de Yellow Corp. sur le marché nord-américain du transport de marchandises est important. La fermeture porte un coup dur au secteur des chargements partiels (less-than-truckload, ou LTL), avec des répercussions attendues telles que la hausse des prix du consommateur et les retards de livraison à travers le continent.
Comment Yellow se différenciait-elle des autres companies de transport?
Avec ses 12 000 camions, l'entreprise se distinguait en étant l'un des plus gros transporteurs LTL du marché, juste derrière FedEx et Old Dominion. Mais qu’est-ce que le LTL exactement ? Voici une définition rapide de bringg.com :
« L’expédition LTL par chargement partiel fait référence à une méthode d’expédition par camion utilisée pour transporter un envoi qui est plus gros qu’un colis mais suffisamment léger ou suffisamment petit pour ne pas nécessiter un chargement complet. Étant donné que les expéditions LTL n’utilisent pas un camion entier, l’espace libre sur le camion est souvent partagé par d’autres expéditions provenant d’autres expéditeurs ou transporteurs. [...] La classe de fret LTL fait référence aux catégories comprises entre 150 et 15 000 livres. »
Comme si faire partie d’un marché serré et concurrentiel ne suffisait pas, Yellow a également eu un impact avec ses prix bas, écartant la concurrence et monopolisant des secteurs majeurs avec des clients comme Walmart, Amazon et Home Depot.
Malgré son succès depuis près de 100 ans, un prêt de sauvetage pandémique de 700 millions de dollars, un procès pour fraude au gouvernement en surfacturant les expéditions destinées à l'armée américaine et une accumulation de 1,5 milliard de dollars en dette n'étaient que la pointe de l'iceberg pour l'entreprise, qui a déposé son bilan sous la protection des tribunaux (chapitre 11) le 6 août.
Mais qu’est-ce que cela signifie économiquement pour les clients?
Alors que Yellow occupe environ 10 % du marché LTL, les expéditeurs qui se tournent désormais vers des transporteurs concurrents plus importants comme Xpo ou FedEx Freight pourraient voir leurs prix augmenter de façon exponentielle, nombre d'entre eux affirmant qu'ils n'ont pas l'intention de « respecter la structure tarifaire de Yellow à mesure qu'ils reprennent leurs clients ».
Le directeur financier Kyle Wismans de XPO a déclaré vendredi que la fermeture de Yellow permettait à ses propres prix d'accélérer tout en mettant en œuvre une augmentation générale des tarifs et en ciblant les renouvellements de contrats.
Avec une demande plus élevée, les clients peuvent également s’attendre à une augmentation des retards. Bien que certains transporteurs aient commencé à détourner leur chargements dès juin, DTA Freight & Analytics a signalé une augmentation de 4,3 % des demandes de services de camionnage, avec 1,325 million de chargements postés sur son réseau juste une semaine avant que Yellow n'annonce sa fermeture.
Un mois plus tard, peut-on encore ressentir les répercussions de l’absence de Yellow?
Alors que les guerres d'enchères font rage autour des terminaux Yellow restants, le marché américain souffre toujours du déficit soudain de capacité de chargement LTL et des licenciements soudains.
« Ça laisse un vide pour les consommateurs ; il faudra du temps à l’industrie pour rattraper son retard. Avec 12 000 camions hors route, un seul transporteur ne suffira pas à combler le vide. Ce qui est bien, c’est que ça laisse la possibilité aux petits transporteurs de se développer pendant que l’espace du marché est ouvert. Par contre, sur le plan économique, plusieurs personnes ne font pas de leur mieux financièrement et n’ont peut-être pas la capacité de servir les plus gros clients de Yellow. Tout ça ne fait que donner plus de chance aux grandes entreprises de se lancer si elles disposent des liquidités ou du soutien d'investisseurs; comme Old Dominion offrant 1,5 milliard de dollars pour les terminaux de Yellow », note Andrew Sooben, PDG d'EFS Logistics.
Bien que cela ne soit pas directement lié, le marché canadien du transport a connu des ralentissements majeurs au cours des dernières années, de nombreuses entreprises ayant signalé des pertes importantes alors que les coûts d'exploitation augmentent. Avec des transports transfrontaliers réguliers de marchandises, il n’est pas anormal de voir le marché canadien refléter celui des États-Unis.
« Les compagnies TL et LTL ont signalé une baisse de chargeaison aux premier et deuxième trimestres de cette année, et il semble que nous soyons dans une sorte de récession du camionnage », ajoute Sooben.